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9 mars 2013 6 09 /03 /mars /2013 18:48

 

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SOCIÉTÉ  

           SCÉNARIOS POUR L'EUROPE

 

 

Par consentement tacite avec le gouvernement britannique, l'Allemagne, ainsi que d'autres pays comme la Hollande, le Danemark, la Finlande ou encore la Suède ont, il y a quelques semaines à Bruxelles, imposé un projet de budget européen d'austérité qui est pour la première fois en baisse depuis la création de l'UE. Ce budget est dénué de la moindre ambition et a même été amputé de 30% des moyens habituellement consacrés à l'aide alimentaire d'urgence, alors que l'Europe des vingt-sept compte désormais 26 millions de chômeurs et que la pauvreté progresse à pas de géant au sein de l'UE. Il traduit par ailleurs une effarante absence de volonté de sortir notre continent de l'actuelle crise économique, les discussions budgétaires ayant uniquement été axées sur l'expression des égoïsmes et antagonismes économiques qui déchirent les pays membres de l'Union.

 

Alors que le Royaume-Uni n'a pas encore décidé s'il quittait ou non l'Union européenne, il apparaît clairement que l'axe Paris-Berlin semble désormais être supplanté par une entente d'intérêts conjoints entre Londres et Berlin ; les uns ne souhaitant pas être véritablement intégrés dans une Europe à laquelle ils devraient léguer une partie de leur souveraineté nationale, les autres ne comprenant pas pourquoi l'on devrait doter l'UE de moyens financiers plus importants pour tenter de juguler la crise économique, alors qu'ils ne perçoivent les difficultés économiques actuelles des autres pays membres que par ce qui leur est rapporté d'au-delà de leurs propres frontières.

 

Partant d'un tel contexte, on ne voit pas trop comment les ex-relations privilégiées entre l'Allemagne et la France qui furent un temps le moteur de l'ambitieux projet européen, pourraient encore permettre de sauver l'Europe communautaire de la déliquescence et avoir encore une quelconque pertinence dans une Zone euro scindée par une absence de volonté commune de gouvernance économique et budgétaire qui est en passe de transformer l'Europe en une véritable foire d'empoigne.

 

Aussi ne faut-il pas s'étonner que certains entrevoient déjà une poursuite de l'UE sous des jours qui pourraient être moins sereins, ce qui pousse nombre d'entre-eux à monter des scénarios d'enfoncement dans la crise institutionnelle européenne qui envisagent tout un éventail de possibilités d'évolution au sein de l'Union économique et monétaire.

 

Ainsi, la Friedrich Ebert Stiftung (Fondation Friedrich Ebert), institution associée au Parti social-démocrate allemand (SPD), a dernièrement reproduit sur son site internet une analyse faite par Mme Maria João Rodrigues, conseillère politique auprès des institutions européennes et dans laquelle cette dernière traite des principaux scénarios qui pourraient conduire à une issue de la crise systémique au sein de l'Union économique et monétaire (UEM).

 

Reproduite ci-après, uniquement dans un extrait concernant les scénarios d'évolution envisageables, cette réflexion reflète la complexité de la situation dans laquelle s'est enfermée l'UE du fait ne ne pas avoir su et voulu faire converger les politiques économiques, sociales et fiscales des pays membres. On peut, en lisant ce texte, aisément estimer que les liens tissés au cours d'un demi-siècle de plus ou moins fructueuses tentatives de rapprochements entre les divers acteurs européens pourraient subitement être réduits à néant si, compte tenu des disparités économiques gravissimes qui scindent les pays de l'UE depuis déjà une dizaine d'années, rien n'est entrepris pour tenter de coordonner les efforts de redressement et de recherche d'équilibre économique entre les États membres.

 

Après avoir identifié les divers facteurs qui ont précipité l'UE dans une crise aux conséquences économiques profondes, Maria João Rodrigues évoque les scénarios qui pourraient influer sur l'évolution future de l'UME, et qui amèneraient ainsi les États de l'Union à surpasser leurs divergences au lieu d'en arriver à se déchirer entre eux.

 

 

La Rédaction d’HENDAYENVIRONNEMENT

 

 

              LES PRINCIPAUX SCÉNARIOS D'ÉVOLUTION DE L'UEM

 

                                                                   Par Maria João Rodrigues

                                                            Juin 2012

 

 

Issues à la crise et narrations de l'avenir

 

Comme point de départ pour l'élaboration des scénarios, nous utilisons ces facteurs déterminants essentiels pour créer des séquences possibles ou des narrations du futur. Nous avons élaboré quatre récits contrastés, ouvrant la voie à quatre scénarios très divergents.

 

(a) Scénario du "tâtonnement" : Hiérarchie européenne et différentiation

(b) Scénario de l'éclatement : la fragmentation et la désintégration de l'Europe

(c) Scénario de l'Europe du noyau : l'Union budgétaire d'un petit groupe de pays (d) Scénario du parachèvement : l'Union budgétaire dans toute l'Union européenne

 

(a) Hiérarchie européenne et différentiation

Le changement politique en France n'est pas suffisamment fort. Il n'y a pas non plus de changement politique important lors des élections générales en Allemagne (ndlr: en automne 2013) ou lors des élections européennes ( ndlr : en juin 2014 ). La gestion de la crise de la zone euro ne change pas.

 

Aucune grande banque ne fait défaut, mais on procède à des remises de dette importantes. Aucun État ne fait défaut ni ne quitte la zone euro, mais le risque perdure, et les coûts d'emprunts continuent de diverger au sein de la zone. Il sera dès lors plus difficile de se conformer à bon nombre d'objectifs à moyen terme pour la discipline budgétaire, qui va également diverger. Les agences de notations vont dégrader la note d'autres États membres. Le FESF / MES apporte son soutien, mais sans équilibres dans les conditions qu'il demande, et la BCE, sous pression, maintien un soutien limité. Les partenaires de l'Europe au G20 finissent par décider d'apporter un soutien limité assorti de conditions rigoureuses. Le plan européen de soutien à l'investissement est réduit aux fonds structurels. Les taux de croissance et de chômage sont également divergents entre les pays. Les déficits extérieurs de certains États membres augmentent, tandis que les excédents d'autres pays augmentent également, et la surveillance macroéconomique exerce toute sa pression sur les pays en déficit. Les négociations collectives ne permettent pas d'éviter le dumping social de la part des pays les plus faibles.

 

L'autorité budgétaire européenne devient plus forte pour ces pays, et la légitimité démocratique est affaiblie et demeure faible à l'échelon européen. Les mouvements populistes et anti-européens de droite et de gauche se développent dans toute l'Europe.

 

(b) Fragmentation et désintégration de l'Europe

Il n'y a pas de changement politique en France ou en Allemagne, ou lors des élections européennes. La gestion européenne de la crise de la zone euro est entravée par les divergences croissantes.

 

Un pays membre fait défaut et quitte la zone euro, et certaines grandes banques sont également défaillantes, ce qui déclenche des effets de contagion difficile à maîtriser. Le coût des emprunts dans la zone euro augmente de manière générale et plusieurs États membres ne parviennent pas à respecter leurs objectifs de consolidation budgétaire à moyen terme. Les agences de notation dégradent tous les États membres, le FESF / MES reste faible et voit aussi sa note dégradée, la BCE atteint ses limites en matière d'intervention et le G20 ne peut pas fournir davantage de soutien financier.

 

Il n'existe pas de plan européen pour soutenir l'investissement, les taux de croissance diminuent d'une façon générale dans une spirale descendante qui entraîne tous les États membres. Les excédents et les déficits externes diminuent et les taux de chômage augmentent. Les négociations collectives ne peuvent pas empêcher une détérioration générale des normes sociales.

 

Il existe une réelle résistance au transfert de compétences budgétaires nationales vers l'échelon européen, l'autorité budgétaire européenne reste faible et le pouvoir législatif est affaibli, en particulier à l'échelon européen. Les mouvements populistes et anti-européens de droite et de gauche prennent de l'ampleur partout en Europe, et les partis pro-européens perdent les élections dans plusieurs États membres, et sont remplacés par des anti-européens. L'union européenne marche vers sa désintégration.

 

(c) Union budgétaire au sein d'un noyau européen

Les élections françaises, allemandes ou européennes n'amènent pas d'alternance politique. Aucun pays ne fait défaut ni ne quitte la zone euro, mais le risque demeure, et des faillites de grandes banques sont possibles.

 

Un petit groupe de pays membres décide de mettre en place une Union budgétaire. Les coûts d'emprunt divergent entre les États membres à l'intérieur et à l'extérieur de ce petit groupe, et les objectifs à moyen terme de consolidation budgétaires convergent à la baisse. Les notes des dettes souveraines divergent entre les États membres à l'intérieur et à l'extérieur de ce petit groupe. Le FESF / MES stigmatise davantage les pays membres qui reçoivent une assistance, la BCE réduit son soutien et les partenaires internationaux de l'Europe au G20 se penchent sur les différences internes au sein de l'UE.

 

Le plan européen de soutien aux investissements est réduit aux fonds structurels. Les taux de croissance et de chômage divergent entre les États membres à l'intérieur et à l'extérieur du groupe noyau. Les excédents et les déficits externes augmentent. La surveillance macroéconomique est reléguée au second plan. Les négociations collectives au sein du petit groupe organisent un retranchement contre le dumping social des autres pays membres.

 

L'autorité budgétaire européenne reste forte à l'égard des États membres les plus faibles. Le pouvoir législatif et la légitimité démocratique sont plus forts au sein du petit groupe de pays membres et plus faibles dans les autres pays membres. Les mouvements populistes et nait-européens de droite et de gauche prennent de l'ampleur partout en Europe. On institutionnalise une Europe à deux vitesses.

 

(d) L'union budgétaire dans toute l'Union européenne

Les élections en France et en Allemagne font basculer les majorités, et entraînent dans leur sillage une alternance politique lors des élections européennes.

 

L'UEM est complétée par le développement d'une Union budgétaire et politique. Le FESF / MES ouvre la voie à l'émission d'euro-obligations à plus grande échelle et à une gestion partiellement commune de la dette. Les coûts d'emprunts convergent à la baisse dans la zone euro. Le risque de défaut ou d'abandon de l'euro par un pays n'existe pas, pas plus que le risque de défaillance d'une grande banque. Les notes des dettes souveraines convergent à la baisse, la BCE revient à un rôle plus traditionnel, mais plus équilibré, et l'UE voit sa position renforcée au sein du G20. Les objectifs de consolidation budgétaire à moyen terme convergent à la baisse.

 

Il existe un plan européen de soutien à l'investissement. Les taux de croissance convergent à la hausse, et les taux de chômage diminuent. La surveillance macroéconomique devient un instrument central et plus équilibré. Les excédents et les déficits externes diminuent. Les négociations collectives favorisent la convergence à la hausse des normes sociales.

 

L'autorité budgétaire européenne est plus forte et plus démocratique. Les citoyens européens sont de plus en plus nombreux à soutenir la construction européenne.

 

Les scénarios d'évolution de l'UEM

 

Dans ce dernier chapitre, à partir de ces récits -quatre seulement parmi les nombres narrations alternatives possibles -nous élaborons des scénarios plus centrés sur les transformations structurelles de l'Union économique et monétaire et de la construction européenne. Les scénarios vont à présent être élaborés pour présenter les configurations possibles de l'Union économique et monétaire et de la construction européenne à l'horizon 2020, à partir des divers choix de politiques susceptibles d'être faits en réponse aux principales difficultés rencontrées. Ces problèmes cruciaux sont présentés au tableau 3.

 

Scénario A

Le scénario du tâtonnement : Hiérarchie et différentiation en Europe

 

L'union économique et monétaire reste incomplète, incapable d'assurer la croissance et l'emploi, et encore moins d'assurer une transition vers un nouveau modèle de croissance plus verte, plus intelligente et plus inclusive.

 

L'accès aux ressources financières reste instable. La règlementation du système financier, nécessaire pour réduire la volatilité et les pressions abusives, n'est pas achevée. Par exemple, les agences de notations restent libres d'intervenir dans l'arène politique. Les organes européens de surveillance du système financier restent faibles, et il existe plusieurs goulets d'étranglement dans les prêts interbancaires à travers les pays membres. Ces prêts sont entravés par les hésitations de la BCE, qui ne fournit des liquidités qu'en dernier ressort. Le résultat, c'est une pénurie chronique du crédit.

 

En ce qui concerne l'émission de dette publique, les écarts de coûts des emprunts restent trop élevés entre les États membres. Les ressources du Mécanisme européen de stabilité sont toujours inadaptées et le risque d'un défaut souverain persiste. En outre, l'UE accroît sa dépendance à l'égard du soutien financier de ses partenaires extérieurs.

 

Le Pacte de stabilité et de croissance révisé pousse à une réduction régulière de la dette publique et du déficit structurel des comptes publics, et ménage peu d'espace pour le soutien aux investissements publics et privés. La consolidation budgétaire reste difficile dans de nombreux pays membres, à cause de la faiblesse de la croissance. La viabilité à long terme de la protection sociale est érodée. Parallèlement, le Pacte pour l'euro plus, par lequel les États membres s'engagent à renforcer leur convergence sur la fiscalité des entreprises et les cotisations et prestations sociales, est difficile à mettre en œuvre pour les mêmes raisons.

 

Il n'y a ni évolution significative des instruments européens de soutien aux investissements, ni coordination macroéconomique en faveur de la croissance. Il n'existe pas non plus de politique industrielle européenne pour compléter la politique commerciale de l'Europe. La stratégie européenne pour la croissance reste limitée à l'achèvement du marché unique et aux réformes structurelles. Dans ce contexte, les opportunités offertes par le marché unique européen et les marchés extérieurs profitent particulièrement aux pays ayant des ressources publiques et privées à investir. Par conséquent, la transition vers une économie plus verte et plus intelligente se fait de manière très inégale selon les pays membres. Avec ces contraintes pesant sur la demande européenne agrégée, le taux de chômage moyen reste élevé, et frappe particulièrement les jeunes dans de nombreux pays membres : Les tensions sociales vont fortement augmenter dans certaines régions d'Europe.

 

La nouvelle surveillance macroéconomique met l'accent sur les États membres dont la compétitivité est faible et dont les déficits externes et le taux de chômage sont forts. Elle leur fait des recommandations individualisées sur la manière de réduire leurs difficultés. Néanmoins, dans le contexte décrit ci-dessus, il est difficile de réduire les divergences entre les pays membres en matière de croissance, d'investissements et de taux de chômage, malgré les efforts déployés pour optimiser l'emploi des fonds structurels. Certaines régions sont prises au piège de la récession / stagnation, ce qui entraîne des flux d'émigration, y-compris une "fuite des cerveaux", qui aggravent encore la situation.

 

Il n'y a pas de changement fondamental du processus budgétaire. Le budget communautaire conserve le même volume, et dispose de peu de ressources propres. Les tentations protectionnistes génèrent des résistances nationales à tout renforcement de la coordination des budgets nationaux et des programmes à l'échelon européen. Le nouveau Président de la Commission européenne pourra bien être élu par le Parlement européen, mais il restera entravé par la faiblesse des instruments financiers et politiques à sa disposition pour tenter de prévenir ou de résoudre les problèmes. En ajoutant à cela le manque d'implication des États membres et des citoyens dans les prises de décision, on constatera un recul du soutien populaire à la construction européenne et un renforcement des partis anti-européens et des partis populistes.

 

Scénario B

Scénario de l'éclatement : Fragmentation et désintégration de l'Europe

 

L'Union économique et monétaire reste incomplète, incapable d'assurer la croissance et secouée par des cas de défaut souverain et de sortie de l'euro, avec des effets de contagion incontrôlés.

 

L'accès aux ressources financières reste soumis aux incertitudes constantes. La régulation du système financier qui permettrait d'en réduire la volatilité et les pressions abusives est confrontée à des résistances et des désaccords importants. Par exemple, les agences de notation continuent de prendre une part active dans le jeu politique. Les organes européens de supervision financière sont faibles et il existe un certain nombres de goulets d'étranglement dans le système des prêts interbancaires à travers les États membres, que la fourniture de liquidités en dernier ressort par la BCE ne parvient pas à résorber. Cette situation résulte dans un resserrement chronique du crédit, ce qui aggrave la récession dans plusieurs pays membres.

 

En ce qui concerne l'émission de dette publique, les différences de coûts d'emprunt entre les pays membres sont trop élevées, et puisque les ressources du Mécanisme européen de stabilité sont trop faibles, le risque de défaut souverain ou de restructuration radicale et désordonnée de la dette devient une réalité dans certains pays, avec des effets de contagion sur la dette souveraine et les banques.

 

Un Pacte de stabilité et de croissance révisé fait pression sur les États membres pour qu'ils réduisent

systématiquement leur dette publique et leurs déficits structurels, ce qui laisse peu d'espace pour encourager les investissements publics et privés. La consolidation budgétaire devient impossible dans plusieurs États membres, parce qu'ils restent empêtrés dans une longue période de récession. Les systèmes de protection sociale se détériorent et sont partiellement démantelés dans certains États membres, ce qui entraîne un forte augmentation de la pauvreté. Parallèlement, il devient impossible d'appliquer le pacte euro plus, par lequel les États membres s'engagent à renforcer leur convergence sur la fiscalité des entreprises et les cotisations et prestations sociales.

 

Il n'y a ni changement significatif dans les instruments européens de soutien aux investissements ni coordination macroéconomique des mesures en faveur de la croissance, ni non plus de politique industrielle européenne en rapport avec la politique commerciale européenne. La stratégie européenne pour la croissance reste concentrée sur l'achèvement du marché unique et les réformes structurelles, des priorités qui rencontrent des difficultés particulières dans les pays frappés par la récession. Dans ce contexte, les opportunités qu'offrent le marché unique européen et les marchés extérieurs profitent particulièrement aux pays disposant de ressources financières publiques et privées à investir. Par conséquent, la transition vers une économie plus verte et plus intelligente est bloquée, et fait même machine arrière dans plusieurs pays membres. Avec de telles contraintes pesant sur la demande agrégée européenne, le taux moyen de chômage et les inégalités sociales atteignent des niveaux sans précédent. Pendant ce temps, dans les économies affaiblies, de nombreux actifs stratégiques sont rachetés par des pays non-européens, ce qui réduit la maîtrise de l'Europe sur ses propres chaines de production.

 

La nouvelle surveillance macroéconomique se concentre sur les États membres ayant une faible compétitivité et des déficits extérieurs et des taux de chômage élevés, en leur faisant des recommandations individualisées pour les aider à résoudre leurs problèmes. Néanmoins, dans de telles circonstances, les divergences entre les États membres en matière de croissance, d'investissements et de taux de chômage augmentent, malgré le recours aux fonds structurels. Certaines régions sont dévastées par une profonde récession, les taux de chômage élevés déclenchant des flux d'émigration importants, et notamment une fuite des cerveaux, qui ne fait qu'aggraver la situation. L'hostilité se développe entre des régions d'Europe, alimentée par les clichés et stéréotypes nationaux, et conduit à une fragmentation de l'identité européenne.

 

Il n'y a pas de changement fondamental au processus budgétaire. Le budget communautaire conserve le même volume, et ne dispose pas de ressources propres suffisantes. Par réaction protectionniste, certains pays refusent toute coordination plus étroite des budgets nationaux et des programmes à l'échelon européen. Le nouveau Président de la Commission européenne pourra bien être élu par le Parlement européen, mais il restera entravé par la faiblesse des instruments financiers et politiques à sa disposition pour tenter de prévenir ou de résoudre les problèmes. En ajoutant à cela l'opacité de la centralisation et le manque d'implication des États membres et des citoyens dans les prises de décision, on constate un renforcement de l'hostilité des peuples à l'égard de l'Europe et un renforcement des partis anti-européens et populistes. Des réactions protectionnistes apparaissent partout et poussent à un retour aux frontières et aux monnaies nationales, ouvrant la voie à l'effondrement et la fragmentation de la zone euro. La désintégration de l'Union européenne va devenir inéluctable. Il s'ensuit un énorme choc à l'échelle de la planète, qui conduit à une récession mondiale

 

Scénario C

Scénario du noyau européen : Une Union budgétaire au sein d'un petit groupe de pays

 

L'Union économique et monétaire est parachevée par un petit noyau de pays membres, qui adopte un traité entièrement nouveau en dehors des traités européens et exclut les pays non-membres de la zone euro, et même certains pays membres (une "Europe à deux vitesses").

 

La régulation du système financier est développée, fournit davantage de stabilité financière et se concentre sur les besoins de l'économie réelle. Des organes européens de supervision plus forts veillent à un fonctionnement bancaire plus sain, avec une gestion plus responsable des prêts et des emprunts, mais les prêts interbancaires entre les pays à l'intérieur et ceux à l'extérieur du noyau restent difficiles. Il faut encore des actions non traditionnelles de la BCE pour fournir un meilleur accès au crédit.

 

Une agence européenne de la dette limitée au petit groupe de pays assure l'émission conjointe d'obligations publiques en dernier ressort, lorsque les émissions deviennent trop difficiles au niveau national, et le coût des d'emprunts devient plus raisonnable au sein du groupe. Pour les pays en difficulté extérieurs au groupe du noyau, le Mécanisme de stabilité européen est doté des moyens pour fournir une assistance financière, soumise toutefois à des conditions strictes.

 

Un Pacte de stabilité et de croissance révisé s'efforce de réduire régulièrement la dette et les déficits structurels publics. La consolidation budgétaire reste délicate entre les États membres extérieurs au noyau, parce que leur croissance est trop faible. La viabilité à long terme des systèmes de protection sociale est renforcée au sein du groupe noyau, et affaiblie à l'extérieur du groupe. Parallèlement, le Pacte pour l'euro plus, par lequel les États membres s'engagent à renforcer leur convergence sur la fiscalité des entreprises et les cotisations et prestations sociales, est mis en œuvre, mais uniquement au sein du groupe noyau. celui-ci doit se protéger du dumping fiscal et social croissant exercé par les pays extérieurs au groupe.

 

De nouvelles ressources financières pour l'investissement, combinées à une politique industrielle européenne, au marché unique et à des réformes structurelles adaptées, favorisent la transition vers une économie plus verte, plus intelligente et plus inclusive au sein du groupe noyau. Les chaines de productions européennes plus organisées et plus compétitives mises en place sous la direction du groupe noyau permettent de mieux exploiter les potentiels du marché unique européen et des marchés mondiaux.

 

La nouvelle surveillance macroéconomique met l'accent sur les États membres ayant une faible compétitivité et des déficits extérieurs et des taux de chômage élevés, en leur faisant des recommandations individualisées pour leur permettre de résoudre leurs problèmes. Néanmoins, dans de telles circonstances, les divergences entre les États membres en matière de croissance, d'investissements et de taux de chômage augmentent, malgré l'emploi des fonds structurels. Certaines régions sont prises au piège d'une récession / stagnation, avec des taux de chômage élevés qui déclenchent des flux d'émigration importants (y-compris une fuite des cerveaux) qui ne font qu'aggraver la situation. L'hostilité se développe entre les régions d'Europe, à partir de clichés et stéréotypes nationaux, et conduit à une fragmentation de l'identité européenne.

 

Au sein du groupe noyau, le processus budgétaire est mis au point de façon à bénéficier d'une meilleure coordination des budgets nationaux et d'une meilleure interface avec le budget communautaire. A l'extérieur de ce groupe d'États, il n'y a aucun changement fondamental du processus budgétaire. Le budget communautaire conserve le même volume, et ne dispose pas de ressources propres suffisantes. Par réaction protectionniste, on observe une résistance nationale au renforcement de la coordination des budgets et des programmes nationaux à l'échelon européen. La Commission européenne reste limitée par la faiblesse de ses instruments financiers et politiques dans ces efforts de prévention et de résolution des problèmes. En ajoutant à cela le manque d'implication des États membres et des citoyens européens dans les prises de décision, on constatera un recul du soutien populaire à la construction européenne et un renforcement des partis anti-européens et des partis populistes, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du groupe noyau.

 

Scénario D

Scénario du parachèvement : l'Union budgétaire dans toute l'Union européenne

 

L'union économique et monétaire est parachevée au sein de l'UE, l'accès restant ouvert à tous les États membres désireux de la rejoindre. On évite une Europe à deux étages, mais une Europe à deux vitesses peut être nécessaire, autour d'un nouveau traité pour tous les États membres qui souhaitent s'y joindre.

 

La régulation du système financier est développée, fournit davantage de stabilité financière et se concentre sur les besoins de l'économie réelle. Des organes européens de supervision plus forts veillent à un fonctionnement bancaire plus sain, avec une gestion plus responsable des prêts et des emprunts et un fonctionnement normal des prêts interbancaires à travers l'UE. De ce fait, la BCE a moins besoin de recourir à des mesures non conventionnelles pour fournir un accès normal au crédit.

 

Une Agence européenne de la dette assure l'émission conjointe d'obligations publiques en dernier ressort, lorsque l'émission de titres à l'échelon national atteint des niveaux déraisonnables. Cela favorise d'une manière générale des coûts d'emprunt plus faibles et plus raisonnables. Si certains pays rencontres des difficultés inhabituelles, le Mécanisme de stabilité européen est équipé pour fournir une assistance financière à des conditions claires mais équilibrées, et avec le déploiement de programmes de convalescence plus efficaces et plus rapides.

 

Un Pacte de stabilité et de croissance révisé fait pression sur les États membres pour qu'ils réduisent constamment leur dette publique et leurs déficits structurels, mais en ménageant de la place pour encourager les investissements publics et privés intelligents. Cette culture intelligente des budgets équilibrés ouvre la voie à une consolidation budgétaire plus crédible. La viabilité à long terme des systèmes de protection sociale est également renforcée. Parallèlement, le Pacte pour l'euro plus, par lequel les États membres s'engagent à renforcer leur convergence sur la fiscalité des entreprises et les cotisations et prestations sociales, devient plus facile à mettre en œuvre.

 

Les investissements, la croissance et la création d'emplois sont soutenus par des instruments européens plus solides, notamment des programmes communautaires, qui mobilisent les ressources du budget communautaire, les prêts, garanties et obligations de la BEI, les obligations de projet privées ainsi que d'autres sources de financement disponibles, telles que les fonds de pension et les recettes fiscales. Ces nouvelles ressources pour l'investissement, combinées à une politique industrielle européenne, au marché unique et à des réformes structurelles appropriées, favorisent la transition vers une économie plus durable, plus intelligente et plus inclusive. Des chaines de production européennes plus organisées et plus compétitives permettent de mieux exploiter les potentiels du marché unique européen et des marchés mondiaux. La surveillance macroéconomique est aussi utilisée pour améliorer la coordination macroéconomique de l'économie européenne, en profitant des effets de contagion positive.

 

La surveillance macroéconomique est couplée à des ressources plus importantes pour permettre un rattrapage, non seulement avec la mise en œuvre plus rapide des fonds structurels, mais aussi d'un fonds européen de stabilisation économique chargé de gérer les chocs asymétriques. Le dialogue social et la négociation collective sont également encouragés aux échelons national et européen, pour aboutir à un meilleur alignement des salaires et de la productivité. Dans ce cadre général, les différences en matière d'investissements, de croissance et de taux de chômage diminuent, et les régions à la traine peuvent opérer un rattrapage dans des conditions plus réalistes sur la compétitivité, les normes sociales et environnementales, ainsi que la réduction de leurs déficits économiques et financiers extérieurs.

 

Le processus budgétaire évolue vers une meilleure coordination des budgets nationaux et une meilleure interface avec le budget communautaire, qui peut aussi compter sur de nouvelles ressources propres, notamment basées sur la TVA et la taxe sur les transactions financières. Avec ces nouveaux moyens financiers et politiques, la Commission européenne, dont le Président est élu par le Parlement européen, peut mieux dynamiser les institutions européennes pour prévenir et résoudre les difficultés. Une plus forte implication des États membres et des citoyens européens dans les prises de décision renforcent également le soutien des peuples à la construction européenne, et fait reculer l'influence des partis anti-européens et populistes.

 

La zone euro, s'appuyant sur une Union économique et monétaire plus cohérente, coordonne sa position extérieure, et on en vient à une représentation unique de la zone euro aux institutions de Bretton Woods. L'euro devient une monnaie de réserve de référence et attire des ressources financières du monde entier.

 

Épilogue

 

Personne ne peut prédire l'avenir, et il est donc pratiquement impossible de dire lequel de ces scénarios adviendra. Des scénarios différents demandent des stratégies politiques différentes pour la gestion de la crise actuelle. La plupart des facteurs déterminants que nous avons identifiés peuvent être influencés par des décisions politiques, pour évoluer dans une direction ou dans une autre. C'est donc essentiellement aux acteurs politiques de décider lequel des chemins esquissés ci-dessus ils veulent emprunter. Il ne saurait y avoir une conclusion objective et scientifique indiquant le meilleur scénario ou celui qu'il faut éviter. Mais les acteurs politiques doivent avoir conscience des conséquences des décisions qu'ils prennent aujourd'hui. A la lumière des quatre scénarios esquissés ici, et qui dessinent les évolutions futures de l'Union économique et monétaire, les acteurs politiques doivent dire clairement où va leur préférence, et conduire leur politique en fonction de ces choix.

 

L'auteur : Maria João Rodrigues est professeur en politiques économiques européennes à l'Université Libre de Bruxelles, Institut d'Études Européennes

 

 

 

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