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15 novembre 2009 7 15 /11 /novembre /2009 13:28

                                                                                   Photo : Sirius
                            Station de recharge de batteries de véhicules électriques. Berlin, juin 2009

 

                             

Avec le lancement retentissant de la voiture hybride Prius de Toyota en 2001 et l’apparition des premiers véhicules de sport électriques de Tesla, un petit détail est occulté: la technologie de batterie sur laquelle ces voitures se fondent doit encore être sérieusement améliorée pour supporter les contraintes auxquelles sont soumis les véhicules au jour le jour.

 

De fait, les batteries lithium-ion (Li-ion) des meilleurs ordinateurs portables permettent une autonomie d’une heure et demie avant de devoir être rechargées pendant 2 heures ou plus. Et un ordinateur portable est une application stationnaire alors qu’une voiture est destinée à être mobile! Les batteries disponibles aujourd’hui s’avèrent dès lors inadéquates pour une application automobile.

 

Un travail considérable doit encore être effectué pour rendre les batteries lithium capables d’alimenter des voitures urbaines à un prix raisonnable. Comme le souligne Matthias Brock, porte-parole de Daimler AG, «la question du coût est primordiale et la batterie représente une part importante du prix de la voiture. Pour être compétitif, nous devons donc réduire le prix des batteries, mais cela prendra encore quelques années.»

 

Selon Paul Nieuwenhuis, expert en industrie automobile de la Cardiff University Business School (UK), le prix de la batterie d’une voiture hybride standard s’élève à environ 17 000 €, soit la somme nécessaire à la construction du reste de la voiture. «On peut supposer que d’ici 2020, avec la fabrication en série, le coût des batteries aura baissé de moitié. Cette production de masse commencera avec les hybrides plug-in – voitures hybrides rechargeables via une prise de courant (hybrides branché) - mais les ‘purs’ véhicules à batterie électrique en bénéficieront également», estime-t-il.

Course à la performance

Avant cela, ces voitures doivent gagner en vitesse, en puissance et en autonomie. Actuellement, rares sont les véhicules capables de parcourir une distance supérieure à 60 km. Jusqu’ici, beaucoup de modèles sont munis d’une batterie Nikel-Métal-Hydrure (NiMH). «Ce sont les batteries conventionnelles pour les voitures électriques et elles sont parfaitement fonctionnelles», souligne Saiful Islam de l’université de Bath (UK), un des membres du réseau européen d’excellence Alistore. Un fait confirmé par l’émergence en petit nombre, principalement dans des zones urbaines, de voitures hybrides et électriques telle que la Smart Car de Mercedes-Benz ou la Prius de Toyota.

 

À l’heure actuelle, les batteries NiMH sont plus fiables et moins coûteuses que les batteries lithium-ion. Cependant, comme l’explique Saiful Islam, «les batteries lithium-ion présentent d’autres avantages, notamment en ce qui concerne la densité énergétique qui est plus importante pour la même masse.» Cette propriété peut avoir un impact considérable sur le poids des batteries ainsi que sur la capacité de stockage des petites cellules qui les composent. Selon Peter Bruce, expert en stockage d’énergie à l’université écossaise de St Andrews (UK), une batterie Li-ion génère 3 à 4 volts par cellule contre un peu plus de 2 volts par cellule pour les autres types de batteries. Ceci permet de réduire le nombre de cellules des batteries et d’accroître ainsi la densité énergétique. Mais adapter ce potentiel à une utilisation de masse nécessite d’améliorer la performance de plusieurs composantes des batteries.

 

Les batteries Li-ion actuelles possèdent un inconvénient majeur: ce ne sont pas les plus sûres. Certains fabricants d’ordinateurs portables ont vu leur produit exploser lorsque la fabrication des ordinateurs portables en était à ses prémices. Un scénario à éviter à tout prix dans le cas d’un véhicule en mouvement. «Les nouveaux matériaux sont la clé pour avancer dans ce domaine», explique Saiful Islam.

               
Matériaux sûrs et efficaces

La société allemande de produits chimiques Evonik Degussa GmbH tente de résoudre ce problème par le biais du projet Li-Tec, fruit d’un partenariat commercial avec Daimler AG. Evonik a mis au point un nouveau matériau, baptisé SEPARION®, pour élaborer un composant majeur des batteries, le film séparateur, plus souvent appelé «séparateur». Comme son nom l’indique, il sépare les deux électrodes, l’anode (+) et la cathode (-), à travers lesquelles circule le flux d’ions lithium, donc le courant. Un des rôles du séparateur est de prévenir les courts circuits tout en étant suffisamment perméable et poreux pour permettre le passage des ions en mouvement.

 

Les séparateurs sont habituellement composés de membranes polymères semi-perméables à base de polyéthylène ou de polypropylène. Mais ces matériaux sont inflammables et ne sont stables que jusque 140°C. En cas de surcharge des batteries, le séparateur peut surchauffer, fondre et déclencher un court circuit, ce qui risque de provoquer une explosion.

 

L’innovation d’Evonik a été d’introduire des séparateurs partiellement composés de céramique, qui sont certes plus durs mais restent assez souples pour permettre la perforation de petits pores à travers lesquels les électrons circulent. L’idée n’est pas nouvelle, mais Evonik l’a adaptée. «Les céramiques étaient trop fragiles et il était donc difficile d’utiliser un séparateur composé exclusivement de ce matériau», explique Volker Hennige, directeur du projet Li-Tec. Au lieu de cela, Evonik a inventé un matériau composite où un polymère non-tissé sert de substrat de support et est mélangé avec de la poudre de céramique. «Dans les petites cellules telles que celles d’un ordinateur portable, il peut y avoir des membranes faites à 100% de polymères car il n’y a pas de problème majeur de sécurité. Ce dernier ne se pose qu’avec les cellules plus volumineuses, essentielles à la production de voitures électriques rentables», souligne Volker Hennige.

 

Le modèle actuel de la nouvelle voiture de sport électrique du constructeur californien Tesla, la Roadster, contient d’ailleurs des milliers de petites cellules plutôt qu’un nombre réduit de cellules de plus grande taille notamment en vue de limiter le risque d’explosion au sein d’une des cellules. Une précaution de fabrication qui se répercute en partie sur le coût de cette voiture qui s’élève à plus de 120 000€!

Travailler sur les électrodes

«Les matières utilisées jusqu’à présent pour la cathode freinent la production à grande échelle des batteries», souligne Saiful Islam. Un des objectifs de recherche est de concevoir des cathodes capables de stocker plus d’énergie en augmentant la quantité de lithium qui y entre grâce à de nouveaux matériaux.

 

Dans une batterie Li-ion, lorsque les deux électrodes sont connectées au circuit, de l’énergie chimique est libérée. Les ions lithium circulent de la cathode vers l’anode quand la batterie charge, et de l’anode vers la cathode durant la décharge. Alors que l’anode est faite de graphite, la cathode est principalement composée soit d’une couche d’oxyde métallique, tel que l’oxyde de lithium-cobalt, soit d’un matériau à base de polyanions, comme le lithium au phosphate de fer ou encore de spinelles d’oxyde de manganèse et de lithium. Parmi ces matériaux, l’oxyde de lithium-cobalt est le plus commun. Cependant, comme l’indique Saiful Islam, «le cobalt pose des problèmes de prix et de toxicité.»

 

Pour remplacer l’oxyde de cobalt et permettre le développement à grande échelle de batteries pour automobile, les scientifiques ont axé leurs recherches sur des oxydes à base de fer, de nickel ou de manganèse ainsi que sur les cathodes de lithium au phosphate de fer (LiFePO4). Ces dernières montrent une plus grande résistance à la chaleur et une intensité de courant électrique élevée.

 

Une recherche encore plus avant-gardiste ambitionne de se débarrasser complètement de la cathode de cobalt grâce à une batterie lithium-air dans laquelle le lithium entre dans l’électrode et réagit avec l’oxygène pour former de l’oxyde de lithium. Des résultats suggèrent que cette approche permet de stocker davantage d’énergie qu’avec les batteries ion lithium traditionnelles. Selon Peter Bruce, ce système permet de stocker 5 à 10 fois plus d’énergie qu’avec celui des batteries Li-ion.

De nécessaires investissements

La recherche en cours semble prometteuse, et même s’il faudra encore une décennie avant d’arriver à concurrencer les avantages des moteurs à combustion interne modernes, la technologie des véhicules électriques est bien ancrée dans l’agenda européen. En mars 2009, la Commission européenne a alloué un milliard € au développement de voitures vertes dans le cadre de la Green Cars Initiative, qui fait partie intégrante de son plan de relance économique. Une part de ces fonds a été dédiée à la recherche sur les batteries à haute densité, les moteurs électriques, les réseaux intelligents de distribution d’électricité et les systèmes de recharge des véhicules.

 

Selon une étude menée par la banque HSBC, les stimuli gouvernementaux consacrés aux véhicules à faible émissions de carbone s’élèvent aujourd’hui à 12 milliards € au niveau international. La majeure partie de cette somme a été allouée à la recherche et au développement de batteries plus légères et de voitures hybrides plug-in ainsi qu’aux crédits ou remboursement d’impôts pour les consommateurs achetant de nouveaux véhicules à faible émissions. Mais il faut en faire plus. Selon Lew Fulton, un expert de l’Agence Internationale de l’Energie - AIE, si l’on parvient à ramener le coût des batteries à 380 € par kilowattheure, un hybride branché disposant d’une autonomie de 50 km coûterait quelque 3000 € de plus qu’un modèle hybride conventionnel non-branché (dont la batterie est rechargée par le moteur thermique et le freinage). «Mettre sur les routes 2 millions d’hybrides branchés par an d’ici 2020 coûterait donc quelque 8 milliards € de plus par an. La recherche sur les batteries et les véhicules électriques en général reviendrait à plusieurs centaines de millions € par an si un volet supplémentaire était exclusivement consacré aux véhicules électriques purs», souligne Lew Fulton.

 

Développer des réseaux de transmission et de distribution d’électricité adaptés à l’ère des voitures électriques et hybrides constitue un autre défi. De nouvelles capacités de production d’énergie seront-elles nécessaires? Le développement d’un réseau intelligent de distribution d’énergie – faisant appel à la technologie informatique pour communiquer, minute par minute, les informations de consommation – pourrait-il ouvrir la voie à la généralisation de l’utilisation des véhicules électriques? 

Un virage électrique annoncé

La recharge des voitures à piles fera certes augmenter la demande énergétique. Cependant, elles pourraient aussi être utilisées pour réinjecter de l’électricité dans le réseau. Vu que cette opération est d’ores et déjà réalisable avec les batteries de plomb, on pourrait aisément mettre en place une interconnexion entre le réseau et les voitures électriques.

 

Quelle que soit la perspective par laquelle on l’aborde, le développement futur de véhicules électriques s’avère très ambitieux et requiert plus que tout des investissements majeurs. Une partie des fonds de la Green Cars initiative est aussi vouée à la création de moteurs à combustion plus propres et plus efficaces, sans aucun doute une voie plus aisée à suivre. Ce qui n’empêche pas de nombreux constructeurs automobiles d’avoir totalement embrassé le concept de voitures électriques. Matthias Brock de chez Daimler AG prédit quant à lui l’émergence de 3 filières: «les voitures électriques pourraient être utilisées en ville, vu leur rayon d’action plus limité. Pour couvrir de plus longues distances les moteurs à combustion interne resteraient de mise. Mais nous nous concentrons également sur la pile à combustible, car elle est totalement neutre en terme d’émission de carbone.»


General Motors a également adopté l’idée des voitures électriques et, malgré la crise, prévoit de lancer en Europe dès 2011 un nouveau véhicule hybride, l’Opel Ampera. «La production de l’Ampera se poursuit quoi qu’il arrive», affirme Craig Cheetham, porte parole du géant automobile américain. La hausse des ventes et l’amélioration de l’image de Toyota depuis le lancement de la Prius ont très certainement mis l’eau à la bouche de GM. Cet ingrédient novateur qui attire l’attention dans tous les salons de l’automobile, combiné à la hausse à long terme des prix du pétrole, annonce sans aucun doute des changements à venir.

Elisabeth Jeffries
Source : research.eu. Magazine de l'espace européen de la recherche.

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