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21 juillet 2015 2 21 /07 /juillet /2015 12:14

 

UN NOUVEAU TON POLITIQUE

 

Des voix issues des influents milieux économiques allemands s'élèvent avec toujours plus d'insistance pour demander un "Dexit" (ndlr: Deutschland exit), ce qui équivaudrait à réintroduire le DM comme monnaie nationale outre-Rhin, et donc ne plus devoir partager une communauté de destin avec les pays mal-en-point du flanc méditerranéen de l'UE. Horrifiée par cette perspective, ainsi que par la confrontation qui vient d'avoir lieu entre le premier ministre grec Alexis Tsipras et les autorités allemandes et européennes, l'ancienne vice-présidente du Bundestag*, Antje Vollmer (Verts allemands), rapproche cet épisode de celui auquel s'était trouvé mêlé le secrétaire général du parti communiste tchécoslovaque, Alexander Dubcek, lors des événements du Printemps de Prague en 1968. Elle exprime au passage des critiques amères sur l'actuel ton politique allemand, mais aussi sur le déficit démocratique qui règne au sein des institutions de l'Union européenne.

                          

 

                                  Interview réalisée par Markus Decker / Berliner Zeitung du 15.07.2015

                                                                   Traduction : Sirius, en direct de Berlin

 

 

Madame Vollmer, les appréciations concernant le troisième paquet d'aide financière à la Grèce sont très différenciées. Le camp conservateur dit : les grecs peuvent s'estimer encore heureux. La gauche politique parle par contre d'une mise sous tutelle. Qu'en pensez-vous ?

 

Beaucoup de gens ont été figés de torpeur par ce choc. Nous avons été contraints, réduits en un rôle de voyeurs, d'assister à une sombre et excessive pédagogie où personne ne pouvait intervenir. Certains essayant de comprendre pourquoi on s'en prenait à un gouvernement librement élu afin de statuer par une décision qui se voulait exemplaire. Les acteurs ainsi que les médias complaisants contournèrent cet ordre du jour tout en sachant pertinemment qu'il s'agissait d'un acte détestable. Les cours boursiers réagirent aussitôt à la hausse.

 

 

Vous appartenez au camp de ceux qui considèrent que tout cela est un acte d'asservissement ?

 

Tout cela me rappelle un événement historique du début de ma biographie politique: Le Printemps de Prague de 1968. Il s'agissait alors d'empêcher un petit État de chercher sa voie hors d'un système préétabli, à savoir: opter pour un "socialisme à visage humain". En ce temps là déjà le secrétaire général des communistes tchèques, Alexander Dubcek, fut massivement contraint d'accepter le diktat des cinq membres du Pacte de Varsovie, ou de disparaître de la scène politique. J'ai, comme d'autres, entendu Tsipras dire lui aussi "je ne vais pas signer l'acte de décès de la Grèce", et chercher ensuite l'appui d'un référendum qui fut aussitôt dénoncé par Angela Merkel comme étant un acte menant à "une perte de confiance". Et dire qu'un parlement librement élu est contraint d'avaliser en l'espace de deux jours un paquet de lois que dans d'autres pays mettent trois à cinq à promulguer. La Grèce devient un protectorat de la Zone euro. J'assiste à tout cela avec un sentiment d'inconsolable impuissance.

Antje Vollmer, ancienne vice-présidente du Bundestag, ne ménage pas ses critiques sur la façon dont le problème de la dette souveraine grecque est traité par le monde politique de son pays, ainsi que sur le déficit démocratique qui règne au sein des institutions de l'UE.

Antje Vollmer, ancienne vice-présidente du Bundestag, ne ménage pas ses critiques sur la façon dont le problème de la dette souveraine grecque est traité par le monde politique de son pays, ainsi que sur le déficit démocratique qui règne au sein des institutions de l'UE.

Lorsque vous faites des parallèles avec Prague, le camp conservateur vous répond que Dubcek ne cherchait pas à vouloir tracer une nouvelle voie avec l'argent des autres.

 

Cet argument repose sur un non-sens. Wolfgang Schäuble** sait parfaitement que son budget fédéral est uniquement en équilibre du fait des conditions d'intérêts avantageuses dont notre pays bénéficie dans cette crise de l'euro par rapport aux autres, et cela est aussi dû au déséquilibre économique qui résulte de la supériorité exportatrice allemande vers les pays faibles. Même s'il pouvait ne s'agir que de tactique et de mise en scène, Schäuble est allé trop loin avec sa proposition de Grexit. Je sais que la vie de Schäuble n'est marquée que de rigueur personnelle et d'humiliation politique. Il a ainsi détruit de sa propre main sa chance d'être un grand européen.

 

La finalité de cette controverse n'est-elle pas aussi simplement la marque d'une absence de patience face à des tiraillements qui se prolongent déjà depuis plusieurs années ?

 

Tous les programmes d'aides et contournements statuaires précédents ont été tracés et réalisés entre autres par Goldman Sachs, puis avalisés par l'irremplaçable Troïka***. Mais leurs conséquences sont maintenant mises sur le compte d'un gouvernement grec qui n'est en fait parvenu au pouvoir que parce qu'il avait justement promis de sortir de ce système. C'est la raison pour laquelle de nombreux jeunes et retraités grecs qui sont tout autant lassés de la Troïka que de leur système oligarchique interne ont voté pour ce gouvernement. Contrairement à cela, la Zone euro démontre que les élections démocratiques sont devenues inutiles, puisque le seul fait de songer à transformer l'actuel système équivaut déjà à commettre un crime de lèse majesté.

 

 

 

*    Chambre parlementaire basse équivalente à notre Assemblée nationale

**   Ministre fédéral allemand des finances

*** Troïka = CE+BCE+FMI

 

 

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